La vie d’un passionné d’automobile en Flandre n’est pas une promenade de santé. Entre les embouteillages, les travaux routiers et la quête éternelle d’une place de parking, s’ajoute une couche supplémentaire de frustration : le contrôle technique. Des files d’attente interminables, des inspecteurs grognons et un système qui semble conçu pour vous gâcher la journée – c’est un rituel que nous connaissons tous et que personne n’apprécie vraiment. Mais pendant un bref instant, une lueur d’espoir a brillé à l’horizon. La ministre flamande de la Mobilité avait un plan : faire contrôler votre voiture chez votre propre garagiste ! Fini les tracas des centres de contrôle bondés, fini les heures perdues sous la pluie à attendre qu’on critique votre pare-chocs. Ça semblait trop beau pour être vrai. Et devinez quoi ? Ça l’était.
Remontons un peu le temps. L’idée était géniale dans sa simplicité. Vous vous rendez chez votre garagiste de confiance, celui qui change votre huile et répare vos freins depuis des années, et là, non seulement il bichonne votre voiture, mais il vous délivre aussi ce précieux certificat vert. C’était un plan qui contournerait la bureaucratie pesante des centres de contrôle et offrirait un peu de répit aux automobilistes. Moins d’attente, plus de confort, et peut-être même une tasse de café en prime – une révolution semblait en marche. La ministre, avec une audace rare dans les sphères gouvernementales, l’a présenté comme LA solution au chaos qui gangrène le contrôle technique flamand depuis trop longtemps.
Mais comme souvent avec les idées brillantes dans un monde noyé sous la paperasse et les jeux politiques, ça a commencé à vaciller. La réalité a montré son vilain visage. Qui allait superviser tout ça ? Comment éviter que les garagistes ne valident leur propre travail comme s’il méritait une étoile Michelin, alors que votre voiture est en fait un cercueil roulant ? Et quid des centres de contrôle, qui verraient soudain une partie de leur raison d’être s’évaporer ? Le projet, aussi frais et séduisant qu’il paraisse, s’est heurté à des obstacles pratiques et à une bonne dose de méfiance.
Alors, que s’est-il passé ? La ministre a tout annulé. Eh oui, après les belles promesses et les gros titres optimistes, le contrôle technique chez votre garagiste a été soigneusement rangé au placard, comme un vieux manteau d’hiver que vous ne portez jamais. La décision est venue d’Annick De Ridder, la nouvelle remplaçante de Lydia Peeters, visiblement moins emballée par cette expérience. Selon l’explication officielle, le projet était “trop complexe” et “irréalisable” à court terme. En d’autres termes : trop de complications, pas assez d’envie. Et nous voilà revenus à la case départ : dans la file d’attente, avec un sandwich froid et une haine grandissante pour le système.
Mais soyons justes, tout n’est pas noir. Quelques améliorations ont été mises en place. Par exemple, les voitures de plus de quatre ans avec moins de 160 000 kilomètres au compteur n’ont plus besoin d’être contrôlées qu’une fois tous les deux ans. Cela représente un demi-million de contrôles en moins par an, et donc un peu moins de râleurs. Et si votre voiture reçoit une petite tape sur les doigts – un phare mal réglé ou un essuie-glace usé – votre garagiste peut désormais le réparer et vous donner le feu vert sans que vous ayez à retourner au centre de contrôle. Ce n’est pas une révolution, mais plutôt un pansement sur une plaie béante. Pratique ? Sans doute. Suffisant ? Pas vraiment.
Et pourtant, ça coince encore. Pourquoi ça fonctionne ailleurs et pas ici ? Aux Pays-Bas, par exemple, où les garagistes peuvent contrôler les voitures depuis des années, le système semble tourner sans accroc. Pas de monopole de quelques gros acteurs, pas de files interminables, et pourtant, les routes ne sont pas envahies de carcasses roulantes. Ici, en Flandre, nous restons enchaînés à une poignée de centres de contrôle qui tiennent le marché en otage depuis des décennies. C’est une sorte de mafia, mais avec un clipboard et une mauvaise humeur chronique. Et chaque fois qu’une idée brillante émerge pour briser ce carcan, elle semble s’échouer sur un mélange d’inertie et de peur du changement.
Alors, où en sommes-nous ? De retour au point de départ, avec une pointe de déception. Le rêve d’un contrôle technique chez son garagiste n’est pour l’instant qu’un joli souvenir, un “et si” que nous pouvons chérir en vérifiant la pression de nos pneus avant le prochain rendez-vous. Peut-être qu’un jour ça arrivera, si la politique ose enfin faire preuve d’un peu de courage. En attendant, le conseil reste simple : arrivez à l’heure, assurez-vous que vos phares fonctionnent, et priez pour que l’inspecteur ait déjà bu son café. Car en Flandre, le contrôle technique demeure ce qu’il a toujours été : un mal nécessaire, emballé dans une file d’attente de pure misère.